Il neigeait ce jour-là. Enfin, il avait neigé. Les flocons avaient cessé de tomber depuis le lever du soleil, mais la neige refusait de fondre. Le professeur Hope enfila le plus chaud de ses manteaux et chaussa une vieille paire de chaussure. Il ne craignait pas la neige. Non, au contraire, il aimait la neige. La pureté de son blanc, la fraîcheur de ses flocons. La neige était synonyme d'amusement pour lui. Même à quarante ans passés, il se disait que s'il croisait ce cher Leopold dans le parc, il n'hésiterait pas une seule seconde à lui balancer une bonne vieille boule de neige en pleine face. Mais il ne croisa personne à cette heure matinale, et comme son but premier n'était pas de déclencher une bataille de boules de neige avec le premier inconnu – élève ou professeur – qu'il croiserait, il prit tranquillement le chemin de la volière. Il n'avait pas de lettre à envoyer, non ce n'était pas lui. Il devait en recevoir une, justement. D'un vieil ami avec qui il avait repris contact. La dernière lettre qu'il avait envoyé avait été pour lui, justement. Garreth gravit les marches recouvertes d'une épaisse couche de neige en prenant soin de ne pas glisser. La volière était déserte. Pourtant, la chouette rousse de son ami aurait dû arriver depuis quelques heures maintenant, comme depuis le début de leurs conversations épistolaires. Il se tourna alors pour regarder le parc du haut de la grande tour. Tout était si blanc et si aveuglant. Il dut détourner les yeux tant le blanc était douloureux à observer. Imposante tache sombre, Poudlard se dressait parmi sapins et collines. Le lac noir était gelé depuis bien longtemps. Garreth se dit qu'il irait tester la solidité de la glace lorsqu'il aurait récupéré son courrier. Il regarda sa montre. Huit heures, deux minutes. Son premier cours était à dix heures. Il avait le temps. Même s'il ne tenait pas à attendre deux heures dans ce froid hivernal. Soudain, une chouette noire et hirsute passa à toute vitesse au-dessus de sa tête, se débarrassant de quelques plumes usées d'un battement d'ailes expert. Garreth se frotta les cheveux en suivant l'oiseau d'un regard courroucé, puis il reporta son attention sur le parc. Inspira profondément. Les récents événements laissaient à penser que l'école et ses enseignants n'étaient plus à la hauteur. Il n'était pas d'accord. Quant à l'arrivée de gens du gouvernement, il n'en était que plus mécontent, car cela lui rappelait de mauvais souvenirs ayant appartenu à une autre époque. Et il ne voulait pas voir resurgir cette époque en cet instant présent. Mais les gens avaient peur. Lui, non. Parce qu'il guettait. Il surveillait. L'attaque de Charlie l'avait beaucoup chamboulé. Il s'agissait d'une élève qu'il connaissait bien. Le pauvre Guillem avait finalement reçu le même sort. Si le gouvernement avait l'intention de mener une chasse à l'homme (ou femme?) à l'intérieur de Poudlard, ce serait peine perdue. Que croyaient-ils ? Qu'ils n'y avaient pas déjà pensé ? Garreth pour sa part y avait pensé. L'esprit obscurci par toutes ces réflexions, le professeur de Défense contre les Forces du Mal se pencha sur ses genoux et attrapa de la neige sur le sol. Il forma une boule de taille moyenne, la modelant à l'aide de ses gants de cuir, et lorsqu'il la jugea assez solide, il la lança du haut de la tour. Geste complètement inutile, qui tenait plus du défoulement que du réel amusement, mais qui lui fit du bien. Il en avait complètement oublié la chouette de son ami.