Oh, how I wish for soothing rain
All I wish is to dream again.
Face au miroir de la salle de bain commune des Serpentards, j'osais à peine observer mon reflet. A cette heure-ci, nulle chance que quelqu'un ne débarque, tous avaient déguerpi à cette ridicule fête en l'honneur des Poufsouffles. Oh, détrompez vous, je n'avais rien contre les blaireaux -rien pour non plus cela dit- mais toutes les fêtes le semblaient insipides et dénuées de sens. Je n'avais tout simplement pas le coeur à la célébration, et pas la moindre envie de trainer ma carcasse parmi tous ces carnassiers. Le reflet du miroir me renvoyait la vérité de ces derniers mois : les joues creuses, j'avais pour sûr perdu du poids, m'alimentant mal, peu, ou parfois pas du tout lorsque je voulais éviter la cohue de la grande salle. Je dormais mal, également, et la peau assombrie, légèrement bleuie, sous mes yeux, semblaient vouloir le crier au monde entier. Je faisais pâle figure. Littéralement. Un teint maladif, un visage émacié, une fatigue ayant creusé son lit, ah qu'il était beau le Prince Bogart déchu ! Je n'allais certainement pas montrer
ça à ce beau monde. Jamais.
Pourtant, étrangement, le mental était là. C'était le corps qui semblait refuser de suivre. Oh bien sûr il y avait des jours avec et des jours sans, mais je n'étais plus perdu désormais. Je savais où j'étais sans qu'on essaye de me mentir ou de me mettre la poudre aux yeux, je savais où je voulais aller. Je savais presque comment. Mes pensées dérivèrent vers une alliance formulée à demi-mot, en haut d'une tour, comme si nous étions les rois du monde. Pas ceux de la chanson, ceux qui se cachent et qui se délecter de gouverner l'avenir des autres, sans que ces autres ne le sachent.
Poussant un soupir, je me descotchai du miroir pour aller enfiler un t-shirt. Si je débarquais à la Tête de Sanglier torse nu, ils allaient me foutre dehors avant même que je n'ai commencé à boire.
****
L'heure qu'il était ? Je n'en avais pas la moindre idée. La joue collée à la table, je n'osais plus ouvrir les yeux tant le monde se mettait à tourbillonner dès que je le faisais. Me laissant couler vers l'obscurité, j'esquissai un petit sourire. Boire seul, le comble du pathétique selon certain. Mais je n'avais plus peur de boire seul depuis que j'avais compris que l'on naissait tous seuls, et que l'on mourrait tout aussi seuls. Le reste, l'entre deux, n'était qu'un artifice pour permettre à ceux, effrayés par la solitude, de se noyer dans les mirages. On me pensait sûrement mal dans ma peau, dans ma tête, dépressif peut être, désespéré sûrement, alors que j'étais juste ... Bien.
Des éclats de voix me tirèrent de ma rêverie. Je redressai ma tête à contre coeur, dévisageant les êtres bruyants à travers les embruns de l'alcool. Il me fallut quelques secondes de concentration pour que les balbutiements incompréhensible ressemblant furieusement à un sortilège de babillage ne prennent sens.
Un accident au château. Je tendis l'oreille, essayant d'ignorer le décor qui tanguait autour de moi.
Un éboulement. Tous les cachots s'étaient effondrés. Minute minute...
mes cachots ? L'endroit où se trouvait
notre salle commune.
On comptait déjà des blessés. Le grincement furieux que fit ma chaise lorsque je la poussai en arrière, bondissant sur mes pieds, prêt à me ruer à Poudlard, fit taire le petit attroupement, qui se tourna vers moi comme un seul homme, m'observant fixement, comme s'ils attendaient la suite du spectacle. Suite qui ne tarda pas : l'équilibre le faisant défaut, il fallut 10 secondes à tout casser à la gravité pour reprendre ses droits sur moi, mon corps tombant en arrière pour se retrouver sur la chaise. Pas assez de force.
Les yeux fermés, j'essayais d'appliquer les techniques de relaxation que m'avait montrées Tallulah pour calmer les battements de mon coeur. Ils allaient bien. Ils allaient forcément bien, non ? Mafalda, Eugenia, Audric, Ebony, Serena. Et même ce crétin fini de Phin, et Tallulah. Ils ne pouvaient pas leur arriver malheur, n'est-ce pas ? Ils étaient invincibles. Ils étaient éternels. Ils ne
pouvaient pas être blessés. La relaxation ne marchait pas du tout, ma respiration s'affolait, je crois même avoir poussé un cri. Quoiqu'il en soit, mon comportement dut alerter le tavernier, puisque l'instant d'après, on me portait vers la chambre que j'avais louée pour la nuit, me disant qu'il était grand temps pour moi de dormir, bien contre mon gré.
Et puis l'obscurité.
****
Le réveil fut douloureux, mais je noyai ma gueule de bois dans du jus de citrouille et du café. Et je me mis à cogiter. Qui savait que j'étais ici ? Personne. J'avais dit aux uns que je resterai dans la salle commune, aux autres que j'essayerai de faire un tour à la fête. Mes pensées s'emballaient. N'était-ce pas la parfaite opportunité ? Une occasion en or pour disparaître. Pour me rayer de la carte. Pour gagner mon ticket vers la tranquillité. A quoi bon les études et les faux semblants lorsque votre projet de vie est déjà tout tracé ? Pourquoi s'exposer alors que je pouvais fomenter, planifier, manipuler, à couvert ? Il me suffirait de mettre mon cher ami A. dans la confidence et me voilà avec un allié sur place.
Mes doigts en tremblaient d'excitation, et pourtant, quelque chose m'empêchait de me réjouir, comme un poids lourd sur le coeur. Un poids que j'aurais préféré écraser et ignorer, mais qui était bel et bien présent. Je me targuais de mon amour de la solitude alors que seul, je ne l'étais pas, et je le savais. Je préférais parfois me persuader du contraire, une protection comme une autre, mais ce n'étais pas le cas. Je savais que Mafalda ne se remettrait pas de ma disparition. Je savais que Serena n'avait pas besoin de perdre un repaire de plus. Je savais qu'Audric s'en remettrait, mais franchement dit, si je disparaissais, il ne resterait plus que des trous du cul dans son entourage masculin, un drame en soi. Eugenia aussi s'en remettrait. Mais qui allait lui rappeler qui elle était sous ce masque de fer ? Qui irait harceler Tallulah sous des faux prétextes ? Qui allait aider mon alter ego à renverser le monde ? Qui allait prendre Bony dans ses bras pour lui chuchoter qu'elle ne sera jamais seule ?
Je ne me croyais pas indispensable, loin de là, je me savais juste incapable d'infliger ce genre de choses à ceux que j'aimais. C'était ma faiblesse, je le savais. Si je voulais devenir fort et parvenir à mes fins, il allait falloir faire des sacrifices, mais pas celui là, et pas maintenant. Pas avant d'avoir dit et fait certaines choses en tout cas.
J'empruntai 3 hiboux à la taverne, chacun missionné pour délivrer une courte missive à une personne. Le premier partit à destination d'Audric, avec une lettre pour lui dire que je n'avais rien et lui demander si Eugenia, Mafalda, Serena, Phineas et lui-même évidemment allaient bien. Le second était pour Bony. Je ne pouvais pas demander de ses nouvelles à Audric sans éveiller des soupçons. De même, je l'informai que j'allais bien, lui demandai si Tallulah n'avait rien. Enfin ma dernière missive était pour ma complice. Elle était concise : "Game is still on", et signée par "Clyde". Je ne comptais pas revenir à Poudlard tout de suite, l'agitation ambiante allait m'irriter et me déconcentrer, je préférais donc donner signe de vie à ceux que ça pouvait éventuellement intéresser. J'allais laisser couler un peu de temps pour laisser retomber la pression. Il ne me restait plus qu'à espérer que les hiboux ne reviendraient pas avec une mauvaise nouvelle.
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