Des nuées de messages bleus filaient à toute allure au-dessus de ma tête alors que j'essayais tant bien que mal de trouver quelque chose à faire. Les stagiaires de mon département faisaient des aller-retours incessants vers le café, leurs talons claquant bruyamment sur leur passage.
Je devrais faire interdire ce genre de chaussures, ici. Ça ne va bien qu'à ma Lya, elle qui a une si jolie silhouette. Chez ces filles, ça ne fait que toujours plus vulgaire.Depuis le début de l'après-midi, je n'arrêtais pas de penser à l'arrivée si lente de l'heure où il serait enfin décent de partir. Je n'en pouvais plus, je voulais revoir Liliya. Je n'en pouvais plus, de ces stagiaires pas franchement doués à qui il fallait tout expliquer une bonne centaine de fois par jour. Je n'avais, de plus, pas obtenu les réponses espérées de la part d'un ambassadeur lointain du Royaume-Uni, et de ce fait, j'étais tout simplement bloqué, ne pouvant avancer dans mon travail tant que celles-ci ne seraient pas arrivées. Appuyé sur le dossier de mon fauteuil, je soupirais, le regard rivé au-dehors. J'avais trop chaud, j'étais énervé, frustré, ennuyé et fatigué. Et puis, je reste si souvent plus tard que tout le monde qu'ils comprendront bien qu'un vendredi soir, je veuille rentrer plus tôt... J'attrapai un tract moldu qui traînait sur mon bureau, afin de le lire en détails. Cette action me prendrait quelques minutes : tout était bon pour faire passer le temps, dans des après-midis creuses comme celle-ci. Après une lecture attentive, il s'est avéré qu'il s'agissait d'une publicité pour une troupe de théâtre moldue, qui jouerait ce soir un grand classique de Shakespeare, Coriolan. Je n'avais jamais eu l'occasion de voir cette pièce, malgré le temps passé au Royaume-Uni, et connaissant ma Lya par cœur, cette tragédie ne lui serait pas familière non plus. Notant l'adresse de la représentation sur un papier que je glissai dans ma veste, je me convainquis qu'en tant que directeur du département, j'avais tout à fait le droit de partir quand bon me semblait, même si mes bonnes manières me demandaient de rester jusqu'à ce que tout le monde soit parti.
En quelques minutes, j'avais déjà rassemblé mes affaires dans mon cartable, et interpellai ma stagiaire désespérée, qui s'arrachait les cheveux devant une tâche que je lui avais surtout donnée pour qu'elle me laisse tranquille, aujourd'hui.
«
Annabeth ? Tu peux rentrer chez toi, si tu veux. Tu as bien travaillé cette semaine, je te laisse partir dès maintenant pour que tu puisses profiter de ton après-midi. Donne moi ça, lui annonçai-je d'un ton léger en lui prenant les formulaires qu'elle devait traduire,
je les finirai un autre jour. »
Franchissant la porte du département, je lançai un «
à lundi » hâtif que la moitié de mes employés n'avaient pas entendu. Mais ça m'était complètement égal, j'avais d'autres pensées plus importantes en tête.
Aussitôt sorti du Ministère, je transplanai sur le seuil de la porte de notre joli chez-nous. Jetant mon cartable sur un coin du canapé, je courus me préparer pour une belle fin de journée.
♡
Un énorme bouquet de roses à la main, je franchis la porte de l'hôpital Ste Mangouste. Je frissonnai en entrant, car l'atmosphère était douloureuse pour moi et me rappelait sans cesse de très, très mauvais souvenirs. J'entendais les musiques torturées des malades et de leurs proches, et ma tête me tournait déjà. Il fallait faire vite, sinon Lya me récupérerait à la petite cuillère, devant son laboratoire.
Je connaissais le chemin par cœur : je lui avais rendu visite tellement de fois ! Saluant les guérisseurs et les médicomages au passage, je frappai à la porte de son bureau, mais personne ne me répondit. Je haussai les épaules et entrai doucement, tombant nez-à-nez avec un jeune homme, l'air extrêmement gêné. Il semblait vouloir essayer de me dire quelque chose, mais ne trouvait pas ses mots et s'emmêlait les pinceaux. Je fronçai les sourcils d'un air expectatif, mais lui ne s'arrêtait pas de bouger nerveusement, sans pour autant prononcer une syllabe. Décidément, les stagiaires étaient bien tous les mêmes... !
Je décidai de prendre les devants, sinon, la soirée serait déjà terminée qu'il me fixerait toujours d'un air aussi affolé. Le jeune homme était vraiment mal à l'aise et angoissé ; en temps normal, il aurait déclenché quelques taquineries de ma part, mais ce n'était pas le moment. Je notai cependant dans un coin de ma tête, avec un petit sourire en coin, de revenir un de ces quatre, rien que pour revoir ce stagiaire, qui avait décidément l'air d'être bien amusant.
«
Bonjour, jeune homme. Je souhaiterais voir le Professeur Hellström. Pourrais-tu l'avertir de ma présence, s'il te plaît ? »
« Je... Je suis désolé mais elle est occ... occupée au laboratoire, pour le moment, monsieur. »
J'écarquillai les yeux d'étonnement. Ou peut-être de désespoir. Était-il idiot ou aveugle ? Je repensai à Annabeth, et me dis avec soulagement que j'aurais pu tomber sur pire. Avec mon bouquet qui n'était pas franchement discret, comment pouvait-il penser que je n'étais pas qu'un simple patient ? Je m'assis au bureau avant d'inspirer bruyamment.
«
Je pense que tu n'as pas compris. Je voudrais voir le Professeur Hellström tout de suite. »
Ma voix était posée, doucereuse et sèche ; mon regard transperçant. Je savais me faire comprendre, quand tel n'était pas le cas. Le stagiaire rougit soudainement, bafouilla quelques excuses incompréhensibles et fila en direction de ma douce. Douce qui ne l'était pas tant, car je l'entendis crier, à l'autre bout du laboratoire. Je laissai échapper un petit rire, imaginant le pauvre stagiaire, victime du manque de patience de Lya. J'avais hâte de la retrouver.
J'entendis ses petits pas discrets approcher, et je sentis qu'elle était troublée. Je fus satisfait, car ce serait pour elle une vraie surprise. Après un temps d'arrêt, elle poussa la porte, les lèvres pincées et le regard sombre. Elle ne me vit pas, et se posta derrière son bureau afin de jauger qui venait la déranger. C'est ce moment que je choisis pour me lever, souriant à pleines dents et le regard étincelants. Quel ne fut pas mon bonheur quand je lus l'étonnement dans son cœur, et le ravissement que ma présence lui apportait.
«
Je suis parti pour te rejoindre, ma chérie. J'avais envie de passer du temps avec toi. Je t'invite au théâtre, ce soir, puis nous irons manger au restaurant. Mais d'ici à ce que la pièce commence, on peut se promener et prendre un café ou une glace en ville. Qu'en dis-tu ? » lui proposais-je en lui tendant le bouquet de fleurs gigantesque, acheté quelques minutes plus tôt chez un fleuriste moldu. Je comptais bien lui offrir tout ce dont elle avait envie pour lui faire passer une soirée à sa hauteur.