C'est à cette date que je suis née à Saint-Pétersbourg ou du moins, c'est à cette date qu'Anzhelina me trouva sur la rive de la Neva, le fleuve qui traverse la ville pour se jeter dans la mer Baltique. Je n'ai aucune idée de qui sont mes parents et j'ai rapidement abandonné l'idée de le savoir un jour, je sais juste qu'ils ne sont jamais venus me chercher. J'ai souvent rêvé à qui ils pourraient être : le roi et la reine d'un pays en fuite, des explorateurs qui ne pouvaient m'emmener avec eux dans leurs découvertes, des résistants au gouvernement d'aujourd'hui... Rien n'est venu me contredire mais rien n'est venu me le confirmer non plus.
J'avais une grande famille à l'orphelinat, avec plein de frères et de sœurs, mais aussi plein de mamans. Celle que je préférais était Anzhelina, la femme qui m'avait trouvée. C'était une personne douce et maternelle, aux grands yeux gris et aux beaux cheveux noirs. Je me souviens que j'avais toujours voulu avoir les mêmes qu'elle, et non pas cette chevelure blonde si commune en Russie. C'était elle qui m'avait presque élevée toute seule, avec l'aide des autres mères bien entendu. Elle me consolait à chaque fois que je pleurais et me grondait quand je faisais une bêtise mais je savais qu'elle m'aimait.
Le première fois que j'ai fait de la magie remonte à mes six ans. Alexey et Gala, mon frère et ma sœur préférés, m'avaient entraînée dans les rues de la ville pour jouer à chat et je les avais suivi avec joie. Ils étaient mes meilleurs amis et nous nous adorions tous. Alors que nous courions sur la rive de la Neva, Gala était tombée et s'était mise à pleurer. Alexey et moi avions fait demi-tour vers elle et nous étions accroupis à côté d'elle. Le garçonnet l'avait pris dans ses bras pour la réconforter mais elle pleurait toujours, aussi je cherchais un moyen de lui faire oublier l'écorchure sur son genou. Une idée folle me traversa l'esprit quand je vis un bouton de fleur fermé mais je n'y résistais pas et cueillis la petite plante. Je la plaçai dans le creux de ma main avant d'attirer l'attention de mes amis. Je n'étais pas sûre d'arriver à réaliser ce que mon esprit m'avait soufflé de faire mais j'essayai. Et sous les yeux étonnés et, à mon plus grand malheur, effrayés des autres enfants, le bouton de fleur s'ouvrit et se ferma plusieurs fois de suite. Oh, j'avais réussi à détourner l'attention de Gala de son genou mais je sentais que j'avais perdu son amitié. Juste parce que j'étais différente. Mes deux amis s'étaient enfuis, vers l'orphelinat sûrement, tandis que je m'étais détournée vers la rivière. Rien n'allait être pareil à présent.
Quand j'étais rentrée ce soir-là, j'avais compris aux regards méfiants ou effrayés de ceux que je considérais jusque-là comme ma famille que les témoins de mon exploit de l'après-midi leur avaient tout raconté. Seul le regard d'Anzhelina n'avait pas changé et cela me soulagea au plus haut point. J'avais toujours ma maman d'adoption.
Hélas, au cours de l'hiver 1986, Anzhelina tomba malade et mourut en quelques mois, sans que l'on ne puisse la sauver. Un sentiment d'abandon et de solitude s'empara alors de moi et m'occupa pendant des années, son fantôme me menaçant même lorsque je rencontrai cette personne si spéciale à mon cœur.
C'est un vrai calvaire ici. Je n'aime pas cet endroit, il y fait trop sombre, trop froid. Les autres élèves ne sont pas amicaux avec moi, ils me rejettent, me martyrisent, se moquent.
Ma rentrée à Durmstrang ne s'était pourtant pas si mal passée : je m'entendais plutôt bien avec les élèves de ma classe. Mais je les écoutais chuchoter sur mon passage, me regarder d'un air narquois, glousser derrière moi. J'étais souvent seule, et cela m'allait très bien : je passais des heures à scruter les lacs qui vallonnaient les collines du parc de l'école. Mais après quelques semaines et les premiers émerveillements passés, les élèves ont commencé à être plus méchants, plus violents. Ils se moquaient ouvertement de moi, me traitant de tous les noms : voyez-vous, j'étais orpheline et différente. Peut-être même Sang-de-bourbe. C'en était de trop pour eux. Sans doute cherchaient-ils à assouvir leur jalousie, ou voulaient-ils juste un défouloir, mais quoi qu'il en soit, ils m'avaient tous trouvée. Chaque jour était devenu un enfer, depuis mon lever jusqu'à mon coucher, parfois même la nuit. Je m'endormais en pleurant et mes rêves étaient loin d'être un exutoire à mon cauchemar puisqu'ils n'étaient qu'une vaine continuité de mes journées. Les professeurs ne faisaient rien, ils semblaient même trouver un malin plaisir à voir une élève se faire détruire jour après jour.
Je ne me voyais pas terminer ma scolarité ici. Même s'il avait fallu que j'abandonne les études magiques, je serais retournée dans un collège moldu, dans mon orphelinat, peu importe. N'importe où mais pas ici. Je savais qu'un an de plus à Durmstrang me serait probablement fatal. La violence de mes camarades s'accroissait de jour en jour et quelqu'un finirait par me tuer. Je cherchais une alternative quand, la semaine dernière, je suis tombée à la bibliothèque sur la liste des écoles de magie du monde entier. Parmi les onze les plus reconnues, l'une d'entre elles retint mon attention et je décidai d'employer les grands moyens. Un dictionnaire d'anglais non loin de moi, je mis tout mon cœur dans cette lettre, avec laquelle s'envoleraient mes espoirs.
Le 2 mai 1991
Albus Dumbledore,
Je m'appelle Liliya Koldynovna. Je suis élève de première année à Durmstrang, originaire en Russie. Je vous écris une lettre car vous êtes mon espoir dernier. J'étudie la magie mais je ne connais pas les parents de moi. A cause de cela, les autres élèves me font vivre véritable enfer : ils se moquent, ils me frappent et ils se liguent contre moi. Professeurs et Professeur Karkaroff ne font rien pour m'aider car connaissent les familles des autres élèves. Je ne veux plus y retourner l'année prochain, parce qu'ils sont plus en plus violents sur moi. J'ai lu dans livre que vous très bonne école et très bon directeur, très gentil et peut accepter une telle requête. Sinon, je devrai retourner dans orphelinat moldu, et collège moldu. J'aime beaucoup la magie, pour faire de belles choses. Je ne voudrais pas arrêter de l'apprendre. Je suis une bonne élève.
Je promets à vous que si vous m'acceptez dans Poudlard en 2ème année, je ferai beaucoup efforts pour parler très bon anglais dès la rentrée.
J'espère de tout mon cœur que vous entendrez ma requête.
Liliya KoldynovnaScellant en même temps cette lettre et mon destin, je l'envoyai en utilisant un hibou très fiable, réservé d'habitude aux professeurs ou à Karkaroff. De cette manière, j'étais sûre qu'il arriverait à bon port. Il ne me restait plus qu'à prendre mon mal en patience, et à espérer.
J'étais tranquillement à la Bibliothèque, en train de travailler sur le devoir que nous avait imposé le professeur Rogue, quand Levi était venu me tirer de ma transe studieuse et m'avait entraînée dehors, pour « prendre l'air », comme il l'avait si bien dit. Il m'avait aussi annoncé, avec le ton qu'il prend pour les grandes occasions, qu'il avait un cadeau pour moi, pour mon anniversaire, et je repensai au petit paquet caché sous mon oreiller qui n'attendait que mon bon vouloir pour rejoindre son destinataire. Je ne rechignai donc pas quand il me pressa et rangeai presque avec hâte mes affaires dans mon sac. Qu'allait-il m'offrir ? Allait-il aimer ce que je lui avais confectionné ?
Nous sortîmes en silence de l'antre de Mme Pince avant de nous mettre à discuter gaiement dans le couloir. En fait, j'écoutais plus que je ne parlais mais cela ne me dérangeait pas. Je ne suis pas d'une nature extravertie et, si Levi ne m'avait pas parlé lors de notre premier cours ensemble, jamais je n'aurais osé l'aborder. Je me souviens parfaitement de la journée et du soir de ma Répartition, ainsi que de la journée du lendemain, et j'y repense souvent, pour me rappeler à quel point j'ai de la chance que Levi soit tel qu'il est.
∞
J'étais arrivée en Angleterre quelques jours avant la rentrée et avais été logée dans une des chambres du Chaudron Baveur, le pub qui fait la liaison entre le monde des moldus et le Chemin de Traverse, la célèbre rue marchande sorcière. Même à Durmstrang, j'en avais entendu parler ! Je profitai que je sois là-bas pour visiter et pour faire mes achats pour l'année qui arrivait. Je n'osais pas réellement me l'avouer mais j'angoissais à l'idée de me retrouver dans une école complètement différente de celle que j'avais connue - et que je n'avais pas aimée. Et si c'était pareil à Poudlard ? Et si personne ne m'acceptait ? Et si on me traitait de la même manière qu'avant ? Je ne suis pas très portée vers les autres mais je ne veux pas non plus être complètement rejetée... Je ne veux plus être seule.
La petite semaine passa rapidement et vint le 1
er septembre. Un employé du pub avait appelé le Magicobus pour moi (quelle expérience horrible) et celui-ci m'avait déposée à la gare de King's Cross, avec mes bagages et ma petite chouette. De loin, j'avais aperçu une grande famille (ils étaient tous - sans exception - roux) qui ne semblait pas moldue et je les suivis à une bonne distance, de peur de me faire repérer. Je ne voulais pas déranger, juste pouvoir accéder à mon train. Un par un, je les vis disparaître à travers un grand mur de brique et je clignais des yeux, incrédule. Bien entendu, je connaissais la magie, j'avais après tout déjà une année d'études derrière moi, mais je n'en avais encore jamais vu de ce genre et il me fallut quelques secondes pour me remettre du choc. Je secouai la tête pour me remettre les idées en place et jetai un coup d’œil à gauche et à droite avant de moi-même foncer vers le mur. La peur me prit et je faillis piler mais je tins bon et, quand j'ouvris les yeux, j'étais à côté d'une grande locomotive d'un magnifique rouge et crachant de la fumée. Une sorte d'excitation montait en moi à mesure que je réalisais que je me rapprochais de plus en plus de Poudlard et de ma nouvelle vie, loin de tout ce que j'avais pu connaître et un grand sourire se dessina sur mes lèvres.
Le trajet se passa sans aucun incident et fut juste marqué par le passage d'une petite fille - sûrement une première année - qui me demanda si j'avais vu un crapaud, ce à quoi je secouai la tête en signe de dénégation. Quand le train commença à ralentir, j'enfilai mon nouvel uniforme - tellement différent de celui d'avant. Il n'y avait par exemple pas les fourrures qui tiennent chaud l'hiver et je me pris à espérer qu'il ne fasse pas trop froid pendant la mauvaise saison. Ensuite, j'attrapai ce que je pouvais et laissais le reste aux bons soins de ceux qui étaient chargés d'emmener les paquets des élèves dans leurs dortoirs. Où allais-je dormir ce soir ? J'avais lu tout ce que je pouvais sur Poudlard et son histoire, et connaissais donc le principe de la Répartition. Étais-je une courageuse Gryffondor ou une loyale Poufsouffle ? Une ambitieuse Serpentard ou une intelligente Serdaigle ? Je n'en savais rien et le nœud de l'angoisse se fit encore plus serré.
Je suivis le groupe et un très grand homme nous mena à des barques, où je montai avec 3 autres élèves. Je ne fis pas attention à eux, car la présence de l'eau tout autour de moi m'avait détendue et je n'étais à présent focalisée que sur la Répartition à venir. La vue du Château illuminé m'arracha un soupir de béatitude et - trop - rapidement, les embarcations atteignirent la rive opposée. Nous descendîmes et commençâmes à remonter le parc jusqu'à atteindre le hall de l'école, où une femme que je reconnus comme le professeur McGonagall nous attendait. Elle nous fit un petit discours sur le principe des Maisons et nous fit entrer dans la Grande Salle. J'avais lu beaucoup de descriptions de cette pièce mais rien ne me préparait à la vision qui m'attendait. La magnificence, les grandes tables et surtout le plafond magique, j'essayais de tout voir en même temps et de tout assimiler mais le tabouret et le vieux chapeau posé dessus me rappelèrent ce qui allait bientôt se passer et je me recroquevillai un peu tandis que notre groupe avançait.
«
A partir de cette année, nous accueillons au sein de Poudlard une élève de Durmstrang, qui a demandé à être instruite dans notre école. Elle sera en deuxième année, et pour la cérémonie de Répartition, elle passera la première, faisant fi de l'ordre alphabétique. Mais avant toute chose, place à la chanson du Choixpeau. »
Le rouge me monta aux joues et je regardai autour de moi, essayant de voir si les gens avaient remarqué que j'étais la nouvelle en question. Il semblait que non, du moins pour l'instant, et cela me rassura un peu. Je ne sortais donc pas tant que ça de la foule et c'était bien mieux ainsi. J'écoutais attentivement le couvre-chef magique nous chanter sa chanson et la peur me reprit. Où allais-je être répartie ? Et s'il n'y avait pas de place pour moi ici, tout compte fait ? Je me mordillai la lèvre, mon angoisse prenant le dessus.
«
Quand vous entendrez votre nom, vous prendrez place sur le tabouret en attendant que le Choixpeau vous répartisse dans une des quatre Maisons. »
Ça allait être à moi. J'allais être répartie.
«
Koldynovna, Liliya ! »
Je m'avançai, la peur menaçant de me couper les jambes à tout moment. Fébrilement, je m'asseyais et laissai la directrice poser le Choixpeau sur ma tête. Immédiatement, une voix résonna sous mon crâne et, instinctivement, je sus que c'était le vieux chiffon qui parlait.
«
Hum, intéressant... Très intéressant... Oh oh oh, voilà qui est stupéfiant ! »
Qu'est-ce qui pouvait donc être stupéfiant chez moi ? Je ne suis qu'une orpheline sans racines, si ce n'est l'orphelinat.
«
Ce sont justement tes racines qui sont stupéfiantes ! Mais ce n'est pas à moi de te le dire, et tu ne l'apprendras que si tu ne cherches pas. En attendant... »
«
SERDAIGLE ! »
Le professeur McGonagall retira le chapeau avant que je n'ai pu demander ce que signifiaient ces paroles et je me résignai à rejoindre mes nouveaux camarades. Serdaigle donc... J'étais plutôt satisfaite du choix du Choixpeau, car à chaque fois que j'avais lu « L'histoire de Poudlard », je m'étais identifiée aux Bleus et Bronzes. Les derniers mots de l'artefact tournaient dans ma tête en un tourbillon effréné et je fus prise d'un vertige quand je les compris enfin. Il savait qui étaient mes parents. C'était une question que je m'étais toujours posée, et à laquelle je n'avais jamais eu de réponse. Qui m'avait créée ? D'où est-ce que je venais ? Et surtout, pourquoi m'avait-on abandonnée ? Je ne suivais rien à la Répartition des premières années, n'applaudissant que très vaguement et ne montrai un peu d'intérêt que lorsque le nom d'Harry Potter fut appelé. J'avais entendu parler de lui à Durmstrang, par les enfants de Sang-Pur dont les familles avaient suivi Vous-Savez-Qui plus ou moins de leur gré, et il n'était pas très apprécié là-bas. Personnellement, je le trouvais maigrichon et sans aucune aura particulière, aussi retournai-je à mes réflexions. Et soudain, les plats se remplirent de toutes sortes de nourritures, toutes aussi appétissantes les unes que les autres.
L'année que j'avais passée dans l'école de magie des fjords m'avait marquée, car je me comportais de la même manière que j'avais apprise là-bas : manger dans le silence, avoir un masque froid et inexpressif, ne regarder personne dans les yeux. Aussi, je sentais que l'on me fixait du regard et seule l'habitude m'empêcha de vérifier qui me dévisageait de cette façon. Au dessert, je n'en pouvais plus et relevai les yeux en direction de la table que je reconnus comme celle des Gryffondor. En face de moi se trouvait un garçon qui devait être de mon année et que je surpris dans son observation. Nous nous fixâmes ainsi pendant quelques minutes, mon masque toujours en place tandis que les joues de l'inconnu avaient rosi. Enfin, je brisai le contact alors qu'un petit sourire se glissait sur mes lèvres, sans que je ne puisse l'en empêcher.. Peut-être que j'allais avoir un ami finalement.
Nous reçûmes nos emplois du temps après et je l'étudiai consciencieusement, notant dans un coin de mon esprit les matières que je connaissais déjà et celles qui ne m'étaient pas familières. La première heure du lendemain serait des Sortilèges, à mon soulagement. C'était un sujet où j'avais un peu d'avance car, à Durmstrang, j'avais suivi sur la fin de l'année des cours de Sortilèges avancés, qui empiétaient un peu sur le programme de deuxième année en fait. Les préfets nous appelèrent et nous les suivîmes à travers le dédale de couloirs et d'escaliers où j'étais sûre que j'allais me perdre. Ils nous emmenèrent jusqu'à notre tour et nous firent entrer, avant de nous montrer tout ce qu'il y avait à voir et de nous envoyer nous coucher. La tête à peine posée sur l'oreiller derrière mes baldaquins bleus, je m'endormis, l'esprit rempli de rêves.
Le lendemain, je me levai à l'heure, préparai mon sac en fonction de mes cours de la journée et partis en direction de la Grande Salle pour le petit déjeuner. Du moins, c'est ce que je croyais, jusqu'à ce que je me retrouve devant la tour que je reconnus comme celle d'Astronomie. Un sentiment de désespoir s'empara de moi et je me mordillai la lèvre, avant de repartir sur mes pas. Je n'allai pas me laisser abattre !
Au bout de cinq minutes de recherches infructueuses, j'abandonnai l'idée d'un petit-déjeuner et partis à la recherche de la salle de Sortilèges. Bien m'en prit, car j'arrivai avec (seulement) cinq minutes de retard. Qui sait ce que cela aurait donné si j'avais continué de chercher la Grande Salle ! J'entrai dans la salle, essoufflée, et le professeur, que je savais être le directeur de ma Maison, m'accueillit gentiment, me disant d'aller m'asseoir à une place vide. Il m'envoya directement à côté d'un garçon au premier rang, qu'il appela « Hellström » et immédiatement, j'aimai la résonance de ce nom. Je le trouvai beau. Quelle ne fut pas ma surprise quand je découvris qui était ce Hellström ! C'était le Gryffondor de la veille, celui qui m'avait observée pendant tout le repas. Je fis comme si je ne l'avais pas reconnu et m'installai rapidement, sortant mes affaires de cours et préparant ma feuille pour l'heure qui allait suivre. Le professeur à peine retourné, mon voisin m'adressa la parole mais je décidai de l'ignorer, ne sachant pas de quoi il allait me parler.
«
Salut ! » Je ne répondis rien, attendant de voir la suite. «
Heu, moi c'est Levi, tu es Liliya c'est ça ? » J'hochai vaguement la tête, toujours sans le regarder. «
Tu sais, je voulais m'excuser de t'avoir observée comme ça hier soir, ce n'était pas très gentil de ma part... » J'étais intriguée, à présent. Il n'y avait pas de mal à ce qu'il me regarde, même s'il était vrai qu'il avait été plutôt insistant. «
Je suis vraiment désolé. » A ces mots, je lui adressai un petit regard en coin, réellement intéressée par ses excuses. Ce garçon était un vrai gentleman, totalement imprégné de la galanterie Rouge et Or. «
C'est que... tu es très jolie, je... je ne pouvais pas m'en empêcher... »
Ou peut-être pas. Je sentis mes joues chauffer légèrement tandis que mon regard retournait sur mon parchemin. J'avais à peine eu le temps de le voir plaquer sa main sur sa bouche et de voir rosir ses joues mais cela me tira un petit sourire.
Le professeur se retourna alors et remarqua que nous ne suivions pas le cours, aussi nous rappela-t-il à l'ordre mais je n'y fis pas tellement attention, bien que je repris ma plume et me mis à écrire. J'avais un ami - et il me trouvait jolie. Je n'étais plus seule.
Assise sur mon lit, à l'aube, je n'arrivais plus à dormir. Ne devant pas faire de bruit pour ne pas réveiller mes camarades Serdaigle, je cherchais une occupation jusqu'à l'heure du petit-déjeuner quand ma main tomba sur une demi-longueur de parchemin que j'avais presque oubliée. Dépliant le papier, roulé et protégé à l'aide d'un morceau de carton, je me rappelai à quelle occasion je l'avais reçu et m'allongeai, le rouleau posé sur mon cœur, me remémorant l'une des meilleures journées de ma vie.
Concentrée sur un devoir d'Astronomie à la bibliothèque, je fus presque effrayée par l'arrivée subite d'un oiseau en origami, sur lequel s'entremêlaient des lignes cursives. Dépliant la pauvre bête avec un léger pincement au cœur, j'entrepris de lire le long paragraphe apposé dessus.
« I am the wind that blows upon the sea,
I am the wave of the deep,
I am the roar of the ocean,
I am the stag of seven battles,
I am the hawk on the cliff,
I am a ray of sunlight,
I am the greenest of plants,
I am a courageous wild boar,
I am a salmon in the water,
I am a lake upon the plain,
I am the word of knowledge,
I am the point of a spear,
I am the lure beyond the ends of the Earth ;
I can shift my shape like a God.
In what direction shall we go ?
Where shall we make our home ?
What land is better than this island of the setting sun ?
Who made the trails through stone mountains ?
Where shall we walk to and fro in peace and safety ?
Who knows the age of the moon ?
Who can change the shapes of the hills and headlands?
I am a wizard : who but I sets the cool head aflame with smoke ?
Viendras-tu au Bal de Noël avec moi ?
Levi » Mes yeux se remplirent de larmes d'émotion alors que je lisais ces dernières lignes. Toujours aussi original, Levi, mon meilleur ami depuis ma rentrée à Poudlard, me faisait une proposition qui m'enchantait. Je n'avais plus repensé à ce bal, auquel je n'étais pas vraiment sûre d'aller, mais son geste signifiait qu'il souhaitait probablement qu'il y ait plus que de l'amitié entre nous et j'attendais ce moment depuis plusieurs années maintenant. Je cherchai à joindre le jeune homme du regard ; il ne fut pas long à trouver. Lui souriant jusqu'aux oreilles, j’acquiesçai vigoureusement et vis avec joie son regard pétiller.
∞
Il était presque huit heures et je n'étais pas prête. Je courais dans tous les sens dans la Salle Commune, affolée par l'idée de faire patienter mon cavalier et surexcitée par le fait de le voir bien apprêté. J'enfilai mes chaussures avec des gestes non maîtrisés, signe de mon angoisse, et me maquillai rapidement. Je n'avais pas le temps de faire beaucoup, aussi choisis-je uniquement un rouge à lèvre couleur sang et partis pour le Hall d'entrée. Vérifiant une dernière fois que je n'avais rien omis dans les glaces du couloir, je souris d'un air assuré alors que j'atteignais les marches menant au bal. Là, je cherchai Levi du regard, mais tout ce que je vis fut un amas de garçons regardant d'un air ébahi dans ma direction. Puis une silhouette familière vint vers moi en courant, sautant quelques marches pour arriver plus vite. Qu'il était beau ! Levi avait assorti son gilet sans manche à son nœud papillon, tous deux bordeaux et par dessus une chemise blanche. Sa veste noire cintrée cadrait avec le gentleman maniéré qu'il était, et ses cheveux ondulés étaient plus domptés que d'habitude. Il m'accueillit avec le regard bouillonnant et un sourire plein de joie que je n'avais jamais vus jusqu'ici et m'emmena, accrochée à son bras, me promettant une soirée mémorable.
Ce soir-là, nous avons dansé, tournoyé et virevolté pendant des heures, ne me lassant pas de ses yeux verts et de ses pas assurés. Lorsque les Bizarr'Sisters ont laissé les derniers accords de leur dernière chanson résonner dans la Grande Salle, Levi m'enlaça subitement par ma taille et m'embrassa. C'était court, beaucoup trop court, mais mes sens se sont décuplés sous l'effet et j'en redemandai encore. Comprenant que l'amour qu'il ressentait pour moi était aussi puissant que celui que j'éprouvais pour lui, nous avons, l'espace d'un instant, rattrapé le temps que nous avions perdu depuis mon arrivée à Poudlard.
Alors que j'allais rejoindre Levi pour qu'on s'offre nos cadeaux d'anniversaire, je le trouvai accablé, les yeux rougis et gonflés comme s'il avait pleuré pendant des heures. Mon cœur battait la chamade, mon ventre était serré et faisait des nœuds, encore et encore. J'avais un tel mauvais pressentiment que j'aurais voulu tourner les talons et courir loin, loin de son expression si triste. Mais mes pas me forcèrent à aller jusqu'à lui. Je voulus l'embrasser, mais il rompit le baiser très vite, embarrassé par un aveu qu'il devait me faire.
Je commençais à m'imaginer le pire : qu'il allait me quitter pour je ne sais quelle raison. Une autre fille, peut-être ? Depuis plus de deux ans qu'on était ensemble, l'idée de devoir continuer alors qu'il ne me serait plus qu'un étranger me désespérait. Mais il me rassura en me rappelant qu'il m'aimait, et qu'il serait toujours là pour moi. Je me calmai quelque peu, mais rien n'aurait pu me préparer à l'annonce qu'il me fit d'un air grave et absent à la fois.
« -
Liliya ?
-
… Oui ?-
Pardonne-moi... mais... J'ai reçu une lettre de ma mère. »
J'avalai de la salive amère alors qu'il me montrait un bout de parchemin dans un état pitoyable : froissé, déchiré, et des gouttes que je supposai être des larmes avaient fait couler l'encre bleue. Ses parents lui apportaient donc de noires nouvelles.
« -
Tu vas tellement me manquer, tu sais, Lya... » rajouta-t-il alors que je ne pouvais plus tenir le suspense.
« -
Je t'en prie, Vi, dis-moi. C'est insupportable de te voir te lamenter sans que je puisse savoir pourquoi. »
Je le vis baisser des yeux, remplis de honte. Une larme coula, et il sanglota quelques mots.
«
Mes parents... veulent que je retourne vivre en Norvège. »
Mon cœur manqua un battement. Ils ne pouvaient pas nous faire ça, Levi était anglais maintenant, et depuis longtemps, ce n'était pas juste, ils n'avaient pas le droit.
«
Mais pourquoi ? » parvins-je à murmurer alors que mon cœur tentait vainement de reprendre un rythme normal.
«
Ils ont peur... à cause de la guerre. Ils ne veulent pas que j'y sois mêlé. Nous partirons dès la fin des ASPIC, ils me proposent de faire mes études à Oslo. Tiens, regarde par toi-même », me lança-t-il en me fourrant le parchemin dans la main.
Je pris quelques minutes pour le lire et mes larmes vinrent s'ajouter au brouillon d'encre causé par celles mon amour. Jamais je ne m'étais sentie aussi vide, aussi seule.
«
Vi, je n'irai pas étudier à Ste Mangouste, je préfère y aller avec toi » lançai-je par dépit, même si je savais bien que c'était la pire chose à faire.
«
Je... » Levi mit la tête dans ses mains, cherchant ses mots. «
Je pense que mes parents laissent sous-entendre que je dois venir seul. Et j'aimerais vraiment que tu ailles à Ste Mangouste. C'est fait pour toi, tu seras excellente, la meilleure. On se retrouvera dès que tout ira mieux, et on ne se lâchera plus jamais. C'est promis. Et on s'enverra plein de hiboux pour tout se raconter. Je serai toujours là pour toi, tu sais, Lya. »
Le ton de sa voix, pas vraiment rassuré, me fit quand même croire à ce semi-mensonge. Je fourrai ma tête dans son cou et me laissai aller aux larmes et aux sanglots.
Enfin. C'est enfin terminé. Le cauchemar des blessés, toujours plus nombreux, écrasés sous les débris du Château, ensanglantés par les Mangemorts ou traumatisés par la mort de leur famille, de leurs amis. Je n'en pouvais plus, physiquement et psychologiquement. Des lamentations tous les jours, voilà ce à quoi était rendu mon quotidien. Je n'avais plus une once d'espoir, évaporé comme si un Détraqueur me suivait en permanence. Je m'acharnais à soigner tout le monde du mieux possible et à consoler les familles qui avaient perdu un être cher. Mais il y en avait tellement que même avec tous nos efforts réunis, Madame Pomfresh, les autres infirmiers et moi n'avons pu en sauver que quelques-uns. Je ne pouvais m'empêcher de me dire que Levi aurait vécu un véritable enfer s'il était resté pour participer à la guerre, et qu'il était beaucoup mieux en Norvège, vivant tranquillement dans le manoir de ses parents. Un doute me rongeait cependant. Nous ne pouvions pas nous envoyer de hiboux très souvent, car les pauvres ne peuvent pas enchaîner des voyages aussi épuisants. Force m'était donc d'attendre, d'attendre impatiemment qu'il revienne. Maintenant que le Seigneur des Ténèbres n'est plus là, mon espoir était revenu, une petite étincelle au fond de mon mental perturbé par ces affronts sanguinaires. Mais j'avais peur qu'en presque un an, il ait trouvé quelqu'un pour me remplacer, qu'il m'ait oubliée, moi et tout ce qu'on a vécu tous les deux, qu'il ait tiré un trait sur les promesses qu'on s'était faites. Un trou béant commençait à s'ouvrir dans ma poitrine : maintenant que la guerre était bel et bien terminée, je rouvrais mon cœur à toutes les incertitudes qui m'avaient assaillies alors qu'elle débutait.
Presque cinq ans après l'obtention de mes ASPIC et le début de mon internat à Ste Mangouste, j'ai enfin obtenu le diplôme nécessaire pour être à même d'y travailler. Mes études auront été difficiles et épuisantes physiquement, surtout à mes débuts, quand je n'étais que guérisseuse-stagiaire affectée au service des accidents matériels. Lorsque j'ai été transférée au service des virus et microbes magiques, mes études ont pris un tournant qui m'a vraiment intéressée : j'ai dû participer à la recherche de nouvelles pathologies magiques encore méconnues, et qui se développent au fur et à mesure des découvertes ou des inventions. J'ai appris qu'avec la domestication des Scroutts à pétard étaient apparus plusieurs sortes de microbes néfastes pour l'être humain. Etant donné que je faisais du bon travail et que mon tuteur était très content de moi, le directeur de l'hôpital m'offrit, la semaine dernière, un contrat définitif qui me permettait de travailler à Ste Mangouste. Aujourd'hui, je commence dans un service flambant neuf : la médicomagie moderne. Mon travail consistera en rechercher des nouveaux remèdes, traitements et maladies, en accord avec les techniques modernes de médecine magique. J'espère toujours, même si je me souviens très clairement du Choixpeau me conseiller de ne pas chercher, pouvoir utiliser la médicomagie pour retrouver mes origines. Lors de ma première visite au laboratoire, ce matin, j'ai tout de suite été émerveillée par tous ces appareils magiques dont je n'avais jamais entendu parler auparavant. Entourée de collègues compétents et avec qui je m'entendais bien, je ne pouvais que m'y plaire et m'y épanouir.
J'avais bien fait d'écouter Levi et de me conformer aux plans que j'avais échafaudés en Septième année à Poudlard : rester à Londres et y étudier la médicomagie. Au fond de moi, je savais que c'était le bon choix et cette première journée au laboratoire me l'a prouvé. Même si on ne s'envoie quasiment plus de hiboux à cause de la distance trop élevée, j'espère que mon Vi veille encore sur moi et qu'il sait à quel point je me sens bien, dans ce service. Je ne l'oublierai jamais : il est une part de moi et je l'attends encore. Je l'attendrai toujours.
Depuis le départ de Levi hors de ma vie, je n'ai plus goût à rien. Mes anniversaires étaient devenus des moments de dégoûts ultimes : je me demandais sans cesse avec qui Levi pouvait partager le sien, le même jour. Autrefois, nous le fêtions ensemble, en s'offrant des cadeaux mutuellement, qu'on prévoyait des semaines en avance en priant de tout notre être que l'autre s'en réjouisse. On avait fini par bien connaître les goûts de l'autre, et pas une fois je me suis trompée en lui offrant quelque chose qu'il n'aurait pas aimé.
Aujourd'hui, pour que ce jour funeste passe plus rapidement, j'avais décidé de me rendre à Poudlard, à la commémoration du 2 mai, date de la bataille finale de la Grande Guerre. La bonne compagnie de mes rares anciens amis me changerait sans doute les idées. Mais je n'avais pas compté sur les souvenirs précieux que m'inspirait la vue du Château, dans lequel j'avais vécu les bouillonnantes premières années de ma vie partagée avec Levi. Je me demandais sans cesse ce qu'il était devenu, où il était, quels étaient ses amis, s'il y en avait une autre. Je soupirai de désespoir ; ce que j'avais vécu avec lui ne pourrait jamais recommencer avec qui que ce soit d'autre. Je n'en avais ni la force ni l'envie. Faisant face au monument aux morts, j'avais les yeux rivés droit devant moi, dans le vide qu'était mon cœur solitaire. Il était parti en Norvège pour de bon, et jamais je ne pourrai le revoir, ni même lui écrire une simple lettre pour lui dire cent fois à quel point il me manque.
Alors que la pluie commençait doucement à tomber sur la plaine verte, j'entendis des légers bruits de pas timides que j'aurais reconnus entre mille. Je mis néanmoins cette impression sur le compte de mon esprit torturé, qui voulait sûrement me jouer des tours en me faisant croire à des rêves qui, jamais, ne pourront se réaliser. Jamais. Je poussai un soupir forcé pour me sortir de cette torpeur, mais alors qu'une mèche mouillée se colla sur mon front soucieux, j'entendis quelqu'un murmurer mon prénom. C'était un doux appel au secours, une volonté de recoudre ce qu'on avait perdu du passé. J'avais entendu tellement de fois ces lèvres prononcer mon nom, et je ne m'en serais jamais lassée, que cette fois le doute laissa place à l'extrême étonnement.
«
Liliya... »
Une voix brisée, désespérée, inespérée.
Ses doigts, toujours aussi doux et fins qu'avant, vinrent retrouver leur place, pile entre les miens. Je tournai la tête vers mon Levi ; il pleurait. Je ne pus rien faire d'autre que me jeter dans ses bras, oubliant le passé, oubliant les années, oubliant ma solitude maintenant étouffée.
Le jour de notre anniversaire à tous les deux, qui était aussi le jour de nos retrouvailles, Levi et moi avons prononcé nos vœux de mariage devant une petite assemblée composée de ma désormais belle-famille et de nos amis proches. J'étais belle, ce jour-là, et je vis dans le regard de mon mari qu'il partageait mon avis. Ma robe était un bustier blanc qui soulignait à merveille la rondeur de ma poitrine, et le tissu serré à ma fine taille se terminait en une cascade de couleurs bleues. Le voile était accroché à mon chignon, d'où quelques mèches s'échappaient pour se finir en torsades le long de mon dos. Mon maquillage était très léger : mes yeux étaient légèrement soulignés de noir et ma bouche était rouge clair. Voir les yeux de Levi s'écarquiller de surprise me donna une confiance en moi telle que je n'eus pas peur alors que les regards des invités sur fixaient sur moi tandis que je remontais l'allée centrale.
La cérémonie se déroula comme prévu, les invités étaient ravis, et moi aussi. Levi et moi n'arrivions pas à détacher nos regards de l'autre, comme subjugués par cet amour qui émanait de chacun de nous. Une fois la fête terminée, Levi m'emmena en Portoloin à notre hôtel pour notre voyage de noces, aux Barbades.
Erik et Victoria Hellström, mes beaux-parents, formaient un couple très mignon. Ils étaient tous les deux aussi maniérés que Levi, et je me doutais qu'ils l'avaient bien éduqué pour qu'il leur ressemble. Dès notre première rencontre, je les adorai immédiatement et oubliai qu'ils nous avaient fait énormément souffrir. Cependant, je les sentais plutôt froids et distants, ce qui m'attristait beaucoup. Mais peu de temps après, ils passèrent quelques jours à Londres avec nous et leur austérité disparut dès qu'ils me virent avec Levi. A partir de ce jour, ils sont devenus des parents pour moi aussi : je sais que quoi qu'il arrivent, ils seront toujours là pour nous, et c'est rassurant d'avoir pour la première fois quelqu'un en qui on peut avoir une telle confiance.
Je l'avais aimée. Si peu connue et tellement aimée. Ma fille. Mon bébé. Ma petite Elsa. Pourquoi nous avait-elle été arrachée ? Pourquoi n'avions-nous pas eu le droit de la connaître un peu plus, de la voir grandir, s'épanouir dans ce monde auquel nous avions contribué ? Pourquoi nous avoir enlevé notre enfant ? Ma grossesse s'était parfaitement passée, je n'avais eu aucun souci de santé alors pourquoi,
pourquoi avais-je perdu ma fille ? Pourquoi avais-je perdu encore une autre personne qui m'était chère ?
Mes collègues n'avaient su nous en expliquer les raisons. Eux-mêmes ne savaient pas pourquoi ma petite fille était morte, personne ne comprenait ce qu'il s'était passé. Et mon Levi... Mon cher, mon tendre Levi... Oh, comme il devait souffrir ! Je ne pouvais qu'à peine respirer, je ne ressentais plus rien d'autre que de la douleur et un gouffre immense s'était ouvert dans mon cœur, à la place qu'avait occupée Elsa pendant si peu - trop peu - de temps, alors avec son don d'empathie, je ne pouvais imaginer ce qu'il ressentait en ce moment. Comme j'aurais voulu pouvoir le consoler, le serrer contre moi et lui dire que tout allait s'arranger ! Mais c'était impossible. Cela ne pouvait pas s'arranger. Nous avions perdu notre bébé.
A présent, Levi et moi avons une vie stable, heureuse et sans mauvaise surprise. Les dieux n'ont pas été cléments envers nous, et je n'aspire qu'à retrouver mon bonheur innocent d'antan. Nous passons la plupart de nos vacances à Sandvika, en Norvège, chez mes beaux-parents, qui n'arrêtent pas de nous demander si, par hasard, ils seraient bientôt grand-parents. Avec Levi, nous avons décidé de ne pas leur dire, pour Elsa, pour ne pas leur infliger trop de peine. Il m'a cependant prévenue qu'Erik, son père, empathe comme lui, risquait de s'en douter. Quoi qu'il en soit, il ne laissait rien transparaître, et sa mère semblait à mille lieues de la réalité.
Dans quelques années, j'aimerais retomber enceinte, et faire l'impossible si un autre problème apparaît. Grâce à mes recherches, qui vont être encore plus approfondies, je vais rassembler les connaissances et l'expérience nécessaires pour qu'on puisse enfin avoir un bébé. Je sais que Levi aimerait beaucoup. Je me souviens encore de son visage illuminé et rayonnant de bonheur quand il a vu Elsa pour la première fois. Mais je sais aussi qu'il est complètement traumatisé de cette expérience malheureuse, et le pauvre ose à peine rentrer dans les hôpitaux. Il faudra que je lui en parle, cette année. Et que j'avance suffisamment dans mes recherches. Peut-être pourrais-je même trouver un stagiaire de Master médicomagie, à Poudlard, pour m'assister et le former.
Je ne sais toujours rien au sujet de mes origines. Levi m'a dit, un jour, qu'il avait peut-être une théorie, un peu folle, mais que tout était bon à prendre. Je n'ai pas cherché à en savoir plus, car les mots de Choixpeau résonnent encore dans ma tête, dès que j'y pense : « Tu ne l'apprendras que si tu ne cherches pas. » J'aimerais néanmoins l'apprendre avant d'être sur mon lit de mort, car au fond de moi, je sais que Levi a raison : mes origines sont la clé du décès d'Elsa. Je ne dois pas me sentir coupable. Il m'a dit que nous ne pouvions pas savoir. J'ai cependant l'impression qu'à défaut de parents à blâmer, je suis entièrement la cause de notre malheur. Mais ce n'est qu'une raison supplémentaire pour me donner totalement dans mes recherches, pour que le passé ne se reproduise plus, et qu'on ait enfin droit à notre petit bout de chou.