Am I flee, flee me I am you
On ne pouvait pas exactement dire que j’étais un fan de botanique ou de plantes. Ce n’était pas que ça ne m’intéressait pas, beaucoup de choses m’intéressaient en vérité, mais le temps que j’avais à disposition pour creuser toutes ces choses était malheureusement limité. Et très honnêtement, entre le règne animal et le règne végétal, mon cœur balançait très fortement pour le premier, et mon lien avec Lux, mon fléreur, n’y était probablement pas pour rien.
Toute la question était alors : que faisais-je dans les serres pendant mon temps libre dans ce cas là ? Si la botanique ne faisait pas partie de mes passions, l’alchimie et les potions, elles, faisaient au moins partie de mes obsessions. J’y passais le plus clair de mon temps, d’une part parce que je trouvais cela fascinant, d’autre part parce que j’y voyais un intérêt direct : celui de réussir à au moins faire taire, au mieux guérir, mes fameuses terreurs nocturnes.
Et pour faire une potion, quoi de mieux que des plantes ?
Alors oui, au temps pour l’amour des plantes… Mais à défaut de les aimer, j’appréciais leur utilité.
Ce qui expliquait ma présence dans les serres cet après-midi là. J’avais justement besoin de quelques ingrédients que j’étais certain de pouvoir trouver ici. Ma liste de course dans la main, j’entrai dans cette antre silencieuse, essayant de me rappeler l’apparence d’un Bubobulb pour être certain de ne pas le louper lorsque je passerai à côté. Pour le coup, une experte en botanique aurait pu m’être des plus utiles, mais comme j’étais désespérément seul, autant compter sur ma mémoire.
Si je détectai la présence de Némésis dès le début ? Non. Pour une fois, la demoiselle avait réussi à se faire discrète, et ce n’était généralement pas son fort étant donné sa tendance à hausser la voix pour un oui ou pour un non. Et puis honnêtement je ne pensais pas croiser grand monde à cette heure-ci. J’avançai d’un pas assuré, cherchant des yeux ce fichu Bubobulb.
Et pourtant, un bruit m’indiqua que je n’étais pas seul.
Le bruit était difficile à identifier, mais a priori, quelqu’un ou quelque chose –une plante peut être- avait fait tomber quelque chose. Sans trop savoir à quoi m’attendre, je me tournai en direction du bruit, mais ne vit personne. Fronçant les sourcils, je me demandai un instant si j’étais véritablement tout seul. Haussant une épaule, je décidai de ne pas accorder plus d’attention à ce divertissement. Après tout, j’étais là pour chercher des ingrédients bien particuliers, et je me fichais pas mal de savoir si un quelconque autre étudiant était présent ou non. Ignorant le bruit en question, je continuai mon chemin dans la direction qui me semblait la plus logique pour balayer le plus de terrain possible et trouver ma fameuse plante.
C’est alors que je remontais tranquillement une allée que mes yeux s’arrêtèrent sur une silhouette que je connaissais beaucoup mieux que je n’aurai voulu l’admettre. Une silhouette qui, de toute évidence, se donnait beaucoup de mal pour faire preuve de discrétion. Et connaissant la personne à qui cette silhouette appartenait, il y avait fort à parier que toute cette discrétion me soit entièrement dédiée. Se rendait-elle seulement compte que je la voyais ? De toute évidence, et vu les efforts fournis, non. Je restai un instant perplexe, un sourcil levé en l’air, continuant de m’approcher sans presser le pas, jusqu’à ce que ses yeux ne tombent pas accident sur mes chaussures.
Ce qui s’en suivit ? Un cri. Strident et long, très long.
Je dus même grimacer en me faisant percer les tympans de la sorte. Je savais que Nem pouvait donner de la voix dans… disons… différentes circonstances, mais elle ne cessait jamais de m’impressionner avec son potentiel de Castafiore. Je n’eus guère d’avantage le temps de m’apitoyer sur le sort de mes pauvres oreilles, puisque les secondes qui suivaient, c’était à mon estomac que la brunette s’en prenait. Pourquoi elle me frappa au ventre ? Aucune idée ! Sans doute sa façon la plus logique de faire diversion, j’imagine. Ce fut plutôt efficace, puisque je fus obligé de me plier en deux sous le coup. Je ne la vis pas déguerpir, je ne fis que la deviner prendre la fuite, trop occupé à rester plié en deux quelques instants. Bon sang, elle avait une sacrée force pour une jeune fille si fine ! La douleur fut intense, mais fugace, et en quelques secondes, peut être minutes, je pus me relever correctement. Némésis n’était plus là mais quelques pas vers la sortie me dévoilèrent qu’elle n’était pas non plus bien loin.
Elle était pendue par les pieds, la tête à l’envers, par une plante qui visiblement n’avait pas apprécié d’être perturbée de la sorte. Je ne pus retenir un petit rictus, songeant que pour une fois le monde végétal était de mon côté. Je m’approchai d’elle d’un pas déterminé, trop heureux que la nature ma facilite la tâche de la sorte. Cela faisait un bon bout de temps que je comptais avoir une discussion en face à face avec la lionne, mais cette dernière faisait tout pour m’éviter, de toute évidence. Et voilà que l’occasion m’était offerte sur un plateau d’argent… c’était parfait !
J’hésitai même un instant à la laisser dans cette position inconfortable. Au moins, j’étais certain qu’elle ne fuirait pas encore. D’un autre côté…. Je n’étais pas certain que laisser tout son sang s’accumuler dans son cerveau était l’idée du siècle. La demoiselle me semblait déjà bien assez sanguine comme ça ! Je n’étais pas un expert des végétaux, mais j’avais tout de même un certain nombre d’années d’étude derrière moi qui me permettait de connaître le B-A-ba des sortilèges. Pointant ma baguette vers la fameuse racine, je n’hésitai pas longtemps avant de lancer mon
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« Lumus Solem » |
Censé aveugler la fameuse plante, et donc la faire lâcher prise. Comme prévu, la racine émit un bruit assez semblable à un cri strident, avant de relâcher Némésis. Tout l’art était maintenant de l’immobiliser ici avant qu’elle n’arrive à prendre la tangente et éviter une énième confrontation entre nous.
Je n'étais pas quelqu'un de brutal, de violent, ou d'impulsif, mais ne disait-on pas aux grands maux les grands remèdes ? Cette fois-ci, avant même qu’elle n’ait le temps de prévoir de se barrer en 4eme vitesse, je n'hésitai pas 2 secondes avant de la saisir par les épaules et la plaquer contre la surface solide la plus proche. En l’occurrence, il s’agissait d’une large armure en bois.
En temps normal elle ne se serait pas laissée faire, mais elle était encore un peu sonnée par la pendaison de la plante, et c'était tellement inhabituel venant de moi qu'elle n'eut ni le temps ni l'occasion de me contrer ou m'esquiver.
Collée contre le bois du meuble, mes bras comme seuls supports, je plantai mes yeux bleus presque menaçant tant ils reflétaient ma colère dans les siens.
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« Ok Nem, fini de faire l'anguille » |
Déclarai-je d’une voix dure, intransigeante, histoire de lui donner le ton des retrouvailles dès le début. Je la connaissais un peu trop bien, et donner de la voix, essayer de m’impressionner, ferait probablement partie de ses techniques de diversion et d’esquive. Je ne comptais certainement pas la laisser faire cette fois-ci.
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« FYI*, on est dans la même école. Elle est grande, certes, mais pas infiniment grande, tu ne pourras pas passer le reste de ta scolarité à faire comme si je n'existais pas » |
Mes yeux étaient plissés, mon regard fixé sur elle, nos visages aussi proches qu'il pouvaient l'être sans qu'on ne s'embrasse. J’avais effectivement réduit cette fameuse distance entre nos deux visages à presque zéro. L’idée ? La pousser dans un coin. La mettre face à l’évidence. J’en avais assez de la voir fuir, esquiver, contourner. Avant que cette foutue connerie ne se passe entre nous, nous étions des amis, nous étions proches, et je refusais catégoriquement de perdre tout cela au nom d’un écart. Mais la brunette ne semblait pas franchement du même avis que moi.
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« Je ne te laisserai pas faire » |
Ajoutai-je donc, déterminé à lui montrer mon obstination. Dans son monde à elle, il était peut être facile de foutre en l’air une amitié, un lien, une vraie histoire au nom de n’importe quelle connerie. Dans le mien, ça ne fonctionnait pas ainsi. Et il allait falloir qu’elle apprenne à jouer selon mes règles. Mes bras ne lâchaient pas la pression, ne la laissant pas s’échapper. Aujourd’hui, j’étais déterminé à régler nos différents, et elle n’y échapperait certainement pas !
*FYI = En anglais For Your Interest = Pour information© By Halloween sur Never-Utopia